Le principe
En vue de garantir aux salariés la stabilité de leur emploi, le Code du travail prévoit que s’il survient une modification dans la situation juridique de l’employeur, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l’entreprise. Cette règle s’applique non seulement aux contrats à durée indéterminée, mais aussi aux contrats à durée déterminée et aux contrats d’apprentissage.
Elle s’applique également pendant les périodes d’essai à toutes les catégories de salariés. Peu importe que le salarié soit en détachement, en préavis ou malade. Son consentement n’est pas nécessaire. La poursuite du contrat de travail est automatique. Aucune clause contraire, dans l’acte de cession, n’est possible.
En effet, c’est en fait la même entreprise qui poursuit son activité sous une nouvelle direction.
Les conditions
La jurisprudence pose certaines conditions pour que les contrats de travail se poursuivent. Il faut :
Une modification dans la situation juridique de l’employeur.
La loi énumère une liste non limitative de situations : vente, succession, fusion, transformation de fonds, mise en société. D’autres situations peuvent se présenter, par exemple la mise en location-gérance. Le locataire gérant doit respecter les contrats de travail en cours (Cass. soc., 14 mai 1987).
Le transfert d’une entité économique conservant son identité.
Dans deux décisions de principe rendues le même jour, l’Assemblée plénière de la Cour de cassation, c’est-à-dire la plus haute formation de cette Cour, a précisé sa jurisprudence qui semble à présent établie. Selon elle, les articles 1er et 3 de la directive du 14 février 1977 du Conseil des communautés européennes et l’article L. 1224-1 du Code du travail s’appliquent, même en l’absence d’un lien de droit entre les employeurs successifs, à tout transfert d’une entité économique autonome conservant son identité et dont l’activité est poursuivie ou reprise (Cass. Ass. plén., 16 mars 1990).
La chambre sociale a confirmé cette jurisprudence. L’existence d’un lien de droit entre les employeurs successifs n’est donc plus une condition d’application de ces textes, spécialement s’il y a transfert d’une entité économique conservant son identité lorsque dans les mêmes lieux se poursuit la même activité (hôtelière en l’espèce) (Cass. soc., 27 juin 1990 ; Cass. soc., 16 mai 1990).
Les conséquences
- Les salariés sont censés ne pas avoir changé d’entreprise. Tous les éléments des contrats de travail sont transférés au nouvel employeur. La qualification professionnelle est maintenue ainsi que les salaires et les primes éventuelles. L’ancienneté totale est acquise aux salariés ainsi que tous les droits liés à cette ancienneté (primes, indemnités, etc.).
Une augmentation de salaire prévue par l’employeur originel devra être accordée par le nouvel employeur. - Si les droits nés du contrat de travail sont plus favorables que la nouvelle convention collective applicable à l’entreprise, ils continuent de s’appliquer en faveur du salarié.
- Si un salarié refuse d’exécuter son contrat au service du nouvel employeur, alors que ces droits ont été maintenus, son refus équivaut à une démission.
- La jurisprudence admet que l’employeur puisse procéder à des licenciements pour des motifs économiques avant le transfert de l’entreprise. Cependant les licenciements ainsi prononcés ne doivent pas être motivés par le transfert en lui-même. Selon la Cour de cassation, en effet, si les dispositions de la loi ne font pas obstacle à des licenciements pouvant intervenir antérieurement à la cession de l’entreprise, pour des raisons économiques ou techniques impliquant une suppression d’emplois, l’exigence, formulée par l’éventuel acquéreur, du licenciement d’un salarié employé dans l’entreprise transférée ne saurait constituer pour le cédant une cause légitime de rupture du contrat de travail de l’intéressé (Cass. soc., 17 juillet 1990).
Il peut être fait échec à cette règle dans les entreprises d’au moins 1 000 salariés prévoyant dans un plan de sauvegarde pour l’emploi un transfert destiné à éviter la fermeture d’un ou plusieurs sites et à sauvegarder une partie des emplois. - Le nouvel employeur peut toujours procéder à des licenciements, pour faute, après le transfert d’entreprise à condition que ces licenciements soient fondés sur une cause réelle et sérieuse.
Il peut aussi procéder à des licenciements pour cause économique. - Enfin, « le nouvel employeur est tenu, à l’égard des salariés, dont les contrats de travail subsistent, des obligations qui incombaient à l’ancien employeur à la date de la modification ».
Le salarié peut donc s’adresser à son employeur actuel pour réclamer toutes les sommes qui lui sont dues par l’ancien employeur sauf :
- en cas de redressement ou de liquidation judiciaires ;
- en cas de licenciement antérieur au transfert.
Cette règle signifie par exemple que les droits à congés payés peuvent être réclamés entièrement au nouvel employeur, même dans le cas d’un travail effectué en partie avec le précédent.
(Code du travail, art. L. 1224-1 à L. 1224-4)