Lorsqu’un salarié trouve qu’il n’est plus en mesure de poursuivre avec son employeur sa relation de travail, il peut décider de démissionner. En procédant ainsi, il perd les droits qu’il a acquis dans le cadre de son contrat de travail et dont il devrait jouir s’il avait été licencié sans cause réelle par son employeur. Pour conserver lesdits droits, il peut rompre le contrat de travail unilatéralement et saisir le juge afin qu’il statue sur les conséquences de la rupture : on parle de prise d’acte de rupture.
La prise d’acte de rupture produit les mêmes effets que le licenciement sans cause réelle et sérieuse. Mais pour ce faire, les faits invoqués par le salarié doivent réellement la justifier. Autrement, les effets que produira une prise d’acte seront plutôt ceux d’une démission. Voilà pourquoi il est important pour tout salarié de maîtriser correctement les situations dans lesquelles il peut avoir recours à ce mode de rupture.
Le présent article est destiné à vous en apprendre davantage. En effet, s’il est vrai que la prise d’acte est née de la pratique et n’est pas encadrée par le Code du travail, ses règles sont au fil des ans bien définies par la jurisprudence.
Prise d’acte de la rupture du contrat de travail : les motifs
Pour qu’une prise d’acte produise les effets d’un licenciement, le salarié doit évoquer des fautes graves rendant impossible la poursuite du contrat de travail. Il peut s’agir :
• d’un non-paiement de salaire ou d’heures supplémentaires ;
• d’un harcèlement sexuel ou moral de l’employeur ;
• d’une modification du contrat travail sans consultation du salarié ;
• d’une obligation imposée de travailler pendant les jours de congés ou de repos ;
• d’une non-affectation de mission (ou travail) pendant une certaine durée (arrêt n° 13-26834 de la chambre sociale rendu le 9 juin 2015) ;
• etc.
Le salarié doit être en mesure d’apporter la preuve de la faute qu’il évoque. C’est pour cela qu’il est important de bien analyser lorsque vous devez entamer une procédure de prise d’acte ; surtout quand vous vous retrouvez face à certaines fautes. Par exemple, si nous prenons les cas de harcèlement, il peut être très difficile pour vous d’apporter une preuve concrète et réelle.
Notez par ailleurs que même quand vous disposez de preuves, votre prise d’acte ne pourra être qualifiée de licenciement abusif si vous prenez beaucoup de temps après la faute pour prendre votre acte de rupture (Cour de cassation, Chambre sociale, 13 avril 2016, pourvoi 15-13.447). Vous devez agir dès que la faute est commise. Agir plus tard voudra signifier que la faute en question ne vous a pas empêché de poursuivre votre relation contractuelle.
Prise d’acte de la rupture du contrat de travail : procédure
Comme nous l’avons indiqué précédemment, la loi n’encadre pas la prise d’acte de rupture de contrat. Il n’y a donc pas un formalisme précis.
Toutefois, il est important de notifier la prise d’acte à son employeur. La jurisprudence considère en effet qu’une simple prétention du salarié ne suffit pas (Cour de cassation, Chambre sociale, arrêt n° 15-18189 du 14 septembre 2016). Par conséquent, il faut adresser à son employeur une lettre de prise d’acte. Celle-ci doit préciser toutes les fautes qui lui sont reprochées et être envoyée, de préférence, en recommandé avec accusé de réception. Cela permettra au salarié de disposer d’une preuve en cas de litige.
La prise d’acte marque immédiatement la fin du contrat de travail. Le salarié cesse de travailler sans obligation d’observer un préavis. L’employeur remet alors au salarié un certificat de travail, un reçu pour solde de tout compte, une attestation pôle-emploi.
Remarquons que la notification doit se faire directement à l’employeur, et non à un représentant. Une fois qu’elle est envoyée, le salarié peut ensuite saisir le Conseil de prud’hommes afin qu’il statue sur les conséquences de la rupture. L’affaire est alors portée devant le bureau de jugement — sans passer par le bureau de conciliation — qui statue dans un délai maximum d’un mois.
Prise d’acte de la rupture : conséquences
Une fois devant le bureau de jugement, le juge peut estimer que les fautes évoquées par le salarié sont suffisamment graves pour la poursuite du contrat de travail et que de ce fait, ils justifient bien la prise d’acte de rupture de contrat.
Lorsque c’est le cas, la prise d’acte produit les mêmes conséquences qu’un licenciement abusif. Le salarié perçoit donc de la part de l’employeur :
• une indemnité de licenciement conventionnelle ou légale ;
• une indemnité pour licenciement injustifié (indemnité de licenciement nul pour les salariés protégés) ;
• l’indemnité compensatrice de préavis et le cas échéant, celle de congés payés ;
• et diverses sommes éventuellement dues en cas de licenciement abusif.
Le salarié peut aussi bénéficier des allocations chômage de Pôle emploi s’il remplit les conditions. Mais il devra attendre que la décision du Conseil de prud’hommes soit rendue.
Si en revanche, le juge considère que les fautes ne sont pas suffisamment graves, alors la prise d’acte est considérée comme une démission. Le salarié verse alors à l’employeur une indemnité compensatrice de préavis et, en cas de présence de clause de dédit-formation, la somme prévue à cet effet. À l’inverse, il perçoit de la part de l’employeur l’indemnité compensatrice de préavis.