Le système "managinaire" : le management par l'illusion
Le système « managinaire » est un concept selon lequel l’individu doit adhérer et s’approprier les valeurs sociales de l’entreprise. Il s’agit de canaliser, orienter l’énergie psychique pour susciter de l’intérieur la fusion de l’individu avec l’entreprise.
Sur le plan économique, cela se traduit par la mise en place d’objectifs individuels, de couvertures individuelles (retraite supplémentaire, mutuelles), d’avantages en nature de toute sorte, véhicule de fonction, primes de bienvenue, de départ, etc qui donnent au salarié le sentiment d’appartenir à une catégorie particulière à laquelle il se sent rattaché. Il est matériellement reconnu. Les statuts d’ouvriers, employés, agents de maîtrise et cadres ne sont plus suffisants, même s’il demeurent importants. Il faut que la réussite professionnelle se voit pour le collaborateur au sein de l’entreprise, et que l’entreprise de son côté puisse s’en targuer pour attirer de nouveaux candidats.
Le pan spirituel est décliné au travers de chartes, projets d’entreprise, etc. Il s’agit de brancher les idéaux individuels sur la réussite collective. Le salarié doit se reconnaître dans les valeurs de l’entreprise et les promouvoir. Cependant, une charte, un code de bonne conduite, des projets d’entreprises sont trop souvent des feux de pailles. Les collaborateurs n’y acquièrent pas davantage de savoir et encore bien moins de pouvoir.
L’aspect affectif consiste à éveiller, susciter et parfois même exiger l’amour des individus pour leur travail, selon l’adage « on ne fait bien que ce que l’on aime ». Or sur ce point il arrive que de « bons collaborateurs » ne soient pas emprunts de cet amour pour l’entreprise et trouvent ailleurs cette « élévation » de soi que l’entreprise leur promet. Il n’est pas rare qu’un bon collaborateur abandonne l’entreprise pour vouer sa vie à sa passion.
La boucle est bouclée, dans cet environnement si prometteur le collaborateur n’a d’autre choix que de réussir. Ainsi, quoiqu’il fasse, il sera coupable de ne pas en avoir fait assez, tout étant implicitement mis en œuvre pour qu’il donne toujours plus avec passion.
Le bât blesse lorsque cette symbiose est mise à mal, tous les pans du système managinaire s’effondrent. Licencié ou démissionné, le collaborateur qui était convaincu que l’entreprise avait mis à sa disposition tous les moyens pour qu’il soit le meilleur est relégué au rang d’inapte. L’uniforme cérébral et émotionnel de rigueur dans l’entreprise qu’il s’était évertué de porter avec respect et conviction lui est retiré. Il est seul, abandonné de sa caste, de ses pairs, c’est l’individu dans tout ce que l’entreprise lui a promis qu’il serait, qui vole en éclats.