Placardisation en entreprise : une forme de harcèlement ?

En général, un employeur « placardise » un salarié lorsqu’il n’a plus envie de poursuivre la relation de travail avec lui, tout en évitant les conséquences d’un licenciement.

En quoi cela consiste-t-il ? Que peut faire un salarié face à une telle situation ?

Placardisation : définition

La placardisation consiste à mettre un salarié à l’écart de la vie de l’entreprise en lui retirant progressivement ses prérogatives, ses fonctions… Le contrat du travail du salarié n’est pas rompu, mais il ne lui est plus confié les tâches pour lesquelles il a été recruté. Le but de la manœuvre : pousser le salarié à partir de lui-même en démissionnant.

Plusieurs signes avant-coureurs peuvent vous alerter :

  • vos fonctions sont réduites sans que l’on ne vous en propose d’autres
  • on vous confie des tâches très en deçà de vos capacités
  • vous ne recevez plus d’emails ou d’appels importants
  • vous êtes retiré des processus de décision
  • vous n’êtes plus convié aux réunions qui, en temps normal, vous concernent
  • vos contributions aux réunions auxquelles vous participez encore sont ignorées
  • vous n’avez plus d’interaction directe avec votre supérieur
  • etc.

Souvent, la mise au placard fait suite à des faits dont certains peuvent revêtir un caractère discriminatoire : un congé longue maladie (un cancer par exemple) ou parental , un âge avancé, un droit réclamé (une augmentation de salaire par exemple).

On constate un phénomène de placardisation aussi bien avant un licenciement qu’avant un départ en retraite.

Est-ce du harcèlement moral ?

Pour répondre à cette question, il faut rappeler ce qu’est le harcèlement moral.

Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Article L1152-1 du Code du travail

Il ressort de cette définition qu’un agissement, même passif, qui affecte un salarié dans son travail peut être qualifié de harcèlement moral.

En tant que manœuvre destinée à entraver l’évolution de la carrière du salarié, la placardisation compromet clairement son avenir professionnel. Par ailleurs, les manifestations d’une mise au placard peuvent exposer le salarié à un risque psychosocial. Autrement dit, elle peut bien être considérée comme du harcèlement moral et punie comme tel.

Que faire face à la mise au placard ?

Si vous avez le sentiment qu’on vous met au placard dans votre entreprise, osez en parler autour de vous. Face à une telle situation, le pire serait de vous replier sur vous-même. Discutez-en avec vos collègues. Vous pourriez être surpris du soutien qu’ils pourraient vous apporter.

Parlez-en également à vos représentants syndicaux et à votre responsable des ressources humaines (RH). Ces personnes sont là pour assurer le lien entre les employeurs et les salariés. Elles pourraient mettre en place une médiation afin d’aboutir à une entente entre vous et votre employeur.

Vous pouvez aussi vous en remettre à l’inspecteur du travail. Celui-ci pourrait enjoindre votre employeur de s’expliquer sur les comportements non éthiques que vous dénoncez. Il pourrait le mettre en demeure de cesser ses manigances et lui intimer l’ordre de vous redonner du travail. Mais pour cela, il faudrait que vous démontriez que votre employeur essaie effectivement de vous mettre au placard.

Si quitter l’entreprise ne vous gêne pas, plutôt que de déposer votre démission et vous empêcher de jouir de certains droits, vous pouvez négocier votre départ par le biais d’une rupture conventionnelle et bénéficier d’une indemnité de départ et d’un préavis raccourci.

Si aucune de ces démarches n’aboutit à un résultat probant, vous pouvez saisir la justice. Votre requête doit être adressée au greffe du conseil des prud’hommes de votre lieu de travail.

Il ne faut pas hésiter à vous faire accompagner par un avocat expert en droit du travail. Il pourra d’ores et déjà vous dire si votre demande est fondée et si vous avez des chances d’avoir gain de cause.

Comment la prouver ?

En réalité, il peut être très ardu de rassembler des preuves démontrant que vous subissez un isolement, qu’on essaie de supprimer vos responsabilités et fonctions…

Pour y arriver, il est très utile d’évoquer votre situation auprès de vos collègues de confiance. Vos échanges avec eux vous permettront de confirmer ou d’infirmer vos soupçons. S’ils sont témoins de faits probants, ils pourront même vous fournir des attestations de faits ou paroles constitutives du harcèlement que vos subissez.

À noter : dans la pratique, tout document physique ou numérique peut vous aider à prouver que vous subissez une mise à l’écart : mails, SMS, documents pouvant témoigner d’une différence de traitement ou d’une dégradation de vos conditions de travail, documents annotés comprenant des propos déplacés ou agressifs, etc.

Relevez en permanence des faits précis et datés, des gestes ou mots témoins qui peuvent vous aider à prouver votre mise à l’écart. Cependant, gardez à l’esprit qu’en droit social et civil, la preuve repose sur le principe de loyauté. Vous ne pouvez donc user d’aucun procédé déloyal (par exemple, utiliser des enregistrements de votre employeur faits sans son autorisation).

Si vous vous faites accompagné par un avocat, ce dernier pourra vous aider à déterminer les éléments dont vous pourrez vraiment vous servir.

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