Si le télétravail se démocratisait déjà depuis quelques années, le recours à ce mode de travail s’est accéléré depuis 2020 avec la pandémie de la Covid-19 et les divers confinements de la population. Dans toutes les entreprises où le télétravail était possible, les employeurs ont fait le choix de ce mode de travail afin de continuer à fonctionner. Ils ont parfois été contraints de le faire par l’État.
Le télétravail pose un problème important : l’impossibilité de vérifier réellement le respect des horaires et/ou des consignes de travail, voire des tâches à effectuer. Par ailleurs, pas mal de chefs d’entreprise ou de responsables se sentent comme «nus » sans leurs employés « sous la main ». Le management a dû s’adapter, le contrôle aussi.
Pour résoudre ce problème, l’utilisation de logiciels de surveillance a connu un bond sans précédent.
Qu’en dit la loi ? L’autorise-t-elle ? Quelles sont les limites à respecter avec cette télésurveillance des salariés ?
63% des entreprises de plus de 500 salariés ont opté pour l’usage des outils de surveillance
Entre juillet et août 2021, le cabinet de recherche Vanson Bourne a conduit une enquête au sujet de la surveillance des salariés en télétravail pour le compte de VMware. Réalisée auprès de 7 600 personnes – effectif comprenant des dirigeants d’entreprises, des responsables RH et informatiques et des employés de différents secteurs –, cette enquête, menée exclusivement auprès des entreprises de plus de 500 salariés, a révélé que 63 % des entreprises françaises ont déjà adopté des outils de surveillance des télétravailleurs ou prévoient de le faire.
La palette de ces outils ne cesse de s’élargir, avec des offres de surveillance diverses et, quelquefois, hallucinantes. Alors que certains permettent de surveiller les e-mails et la navigation sur internet, d’autres font des captures d’écrans à intervalles réguliers (toutes les 5 ou 10 minutes) ou traquent les données GPS des téléphones. D’autres outils vont encore plus loin, enregistrant les clics de souris, les frappes de claviers (keyloggers), les conversations (via le micro des ordinateurs) et les photos (via la webcam) des télétravailleurs afin de contrôler qu’ils sont bien assis devant leur ordinateur et travaillent. Certains de ces outils peuvent être installés sans que les salariés ne soient au courant.
S’il peut être tentant pour tout employeur de recourir à ce genre d’outils, il est important de savoir ce qui est permis par la loi et ce qui ne l’est pas. En effet, la plupart de ces logiciels de surveillance ne sont pas conformes aux lois en vigueur.
Ce que dit la loi sur la surveillance des travailleurs
Un employeur a le pouvoir d’encadrer et de contrôler l’exécution des tâches qu’il a confiées à un salarié et ce, que ce dernier travaille à distance ou dans les locaux mêmes de l’entreprise. Cela dit, de nombreuses limitations et prescriptions sont prévues par la loi.
Le contrôle du salarié, non excessif, doit respecter la vie privée
Tout dispositif de contrôle choisi par un employeur doit respecter les libertés et droits fondamentaux des salariés. Au premier rang de ces droits se trouve la vie privée.
Un outil de contrôle qui ne respecte pas la vie privée ne pourra donc pas être utilisé dans le cadre de la surveillance du télétravail. Par exemple, il n’est pas possible, pour un employeur, d’installer un dispositif de vidéosurveillance pour contrôler en permanence le comportement de ses salariés.
L’employeur ne peut pas exploiter en permanence la webcam des salariés en télétravail ou leur demander de se mettre en visioconférence tout au long de leur temps de travail. Une telle surveillance serait jugée excessive. Et il en est de même pour les contrôles consistant à utiliser des logiciels de capture d’écrans ou d’enregistrement de clics de souris, ou à demander aux salariés de faire régulièrement certaines actions (cliquer sur un bouton par exemple) pour prouver leur présence derrière l’écran.
Les modalités de contrôle du télétravail doivent être établies et les salariés informés
L’employeur qui prévoit de mettre en œuvre des dispositifs particuliers de contrôle de l’activité de ses télétravailleurs doit en établir les modalités précises (type de contrôle, suivi, mesure, etc.) et les discuter avec les partenaires sociaux (les syndicats de salariés, le comité social et économique). Les sanctions doivent également être prévues et discutées, pour appréhender complètement le contrôle envisagé.
Par ailleurs, les salariés doivent être informés de toute surveillance mise en place dans le cadre d’un travail à distance, surtout si ce contrôle doit impliquer la collecte de données personnelles. En effet, le règlement général sur la protection des données (RGPD) interdit toute collecte de données personnelles sans approbation de la personne concernée. Le Code du travail prévoit lui aussi une obligation de transparence de la part de l’employeur : « Aucune information concernant personnellement un salarié ne peut être collectée par un dispositif qui n’a pas été porté préalablement à sa connaissance » (article L1222-4).